Petite, j’ai beaucoup lu les Schtroumpfs. J’aimais beaucoup aussi Johan et Pirlouit — j’avais un léger béguin pour Johan, évidemment —, mais les Schtroumpfs avaient souvent un côté plus rigolo et un tantinet moralisateur, ce que je ne détestais pas. Les aventures où on retrouvait les deux univers étaient évidemment mes préférées : qui peut oublier la Flûte à six Schtroumpfs ou le Pays maudit et mon personnage favori de tous les temps, le (ftupide) dragon Fafnir, aka « le schtroumpf qui schtroumpfe du schtroumpf ». (Pas de faute à ftupide, non. Si vous connaissez le personnage, vous savez pourquoi j’ai écris le mot comme ça.) J’ai découvert bien plus tard — merci Google — que Fáfnir est un personnage du cycle de Sigurd de la mythologie scandinave. D’abord nain, il se transforme en dragon après s’être emparé du trésor de son père. On est loin du dragon niais de Peyo.

Mais je m’égare.

Les Schtroumpfs, donc.

Pour une raison que j’ignore, j’ai été particulièrement marquée par un album des Schtroumpfs, soit Schtroumpf vert et vert schtroumpf. En fait, non. Je me doute que c’est en raison du contexte linguistique québécois des années 1970, que j’ai vécu (et subi à grands coups de crachats et d’insultes dans certains quartiers), et qui était une des causes que mon père tenait particulièrement à cœur. (Histoire de faire une autre parenthèse dans mes parenthèses, disons que tous les commerçants grecs et juifs d’Outremont ont fait les frais des exigences linguistiques — pas encore légiférées à l’époque — de mon père. Tous s’y sont pliés aussi. Et bien avant l’entrée en vigueur de la Loi 101, d’ailleurs.)

Dans cette histoire, les Schtroumpfs se disputent sur la bonne utilisation de la langue schtroumpf : doit-on dire un « tire-bouschtroumpf » comme le disent les habitants du nord du village, ou un « schtroumpf-bouchon » comme le disent ceux du sud du village? La querelle, anodine au départ, s’envenime au point qu’un des Schtroumpfs a l’idée de diviser le village en deux par une frontière, ce qui complique singulièrement la vie de ses habitants.

Cette histoire est en fait une évocation des tensions entre les Flamands et les Wallons en Belgique, séparés par une frontière linguistique. Vous voyez le lien avec le Québec maintenant. Et le problème n’est pas vraiment résolu à la fin de l’histoire, un peu comme c’est le cas encore.

C’est l’actualité linguistique des dernières semaines qui m’a fait repenser à cette histoire. Et vers les choses que nous mettons naturellement en opposition, à tort (souvent) ou à raison (parfois, oui)…

Français ou anglais
Histoire de rester dans le thème… Je suis anglophile (pas du tout américanophile), mais mon cœur est francophone et donc français (et Français aussi). Le Québec est et doit rester une nation dont la langue commune est le français. Pour toutes et tous. Point : français.

Oui ou non
Ça dépend de la question et du contexte. (Cela dit, je souffre de problèmes de digestion depuis 1995.) Point : ça dépend à qui tu poses la question.

Chien ou chat
Il y a quelques années, la réponse aurait été facile. Chat. Depuis les dernières années, le chien a réussi à se faufiler dans mes (potentiels) amis poilus. Idéalement : pouvoir profiter des deux à la maison. On m’aurait dit ça il y a 10 ans, je ne vous aurais pas cru. Faut croire que les préférences animales sont comme les allégeances politiques, elles changent au fil de l’âge. Point : les bêtes à poil en général, car je les aime toutes dans le fond.

Bernache ou Outarde
Histoire de rester dans le thème animal. Je vais au Jardin botanique tous les dimanches depuis quelques semaines et j’y croise ces oiseaux annonciateurs des saisons. Je me suis demandé l’autre jour quel était le bon terme. J’ai toujours dit Outarde. On me dit que le terme exact est Bernache (du Canada). Dans ce cas-ci, pas de zone grise, donc. On ne niaise pas avec la taxonomie en biologie! (Mais faudra que je m’y fasse.)

Traditionnelle ou rectifiée
Histoire de rester dans le thème linguistique. Je l’avoue, je suis très cloîtrée dans mes considérations linguistiques. Pas de « bon matin », « par le biais », « en tout et partout », « versatile », « brassière » et autres faux amis ou anglicismes pour moi, ergo encore moins d’orthographe rectifiée pour bibi. (Petit défi ici de trouver les erreurs dans les expressions qui précèdent.) J’ai même mis fin à ma carrière de traductrice pour ne pas avoir à gérer les frustrations qui seraient nécessairement venues avec les nouvelles façons de dire et d’écrire. Point : les vielles momies de l’Académie, mais je suis consciente d’être le dinosaure dans la pièce. Je lâche prise.

Vyvanse ou Concerta
Histoire de rester dans le lâcher-prise. J’ai commencé à prendre du Vyvanse pour mon TDAH. J’ai mûri ma décision longtemps. J’aurais pu prendre du Concerta aussi, mais j’ai choisi le premier un peu au hasard. J’aurais aimé avoir des histoires cocasses à raconter, mais non. J’ai finalement mis des lunettes à mon cerveau. Les morceaux du casse-tête virevoltent encore dans ma tête, mais j’arrive finalement les assembler. C’est magique. Et ça fait un bien immense. Point : la pharmacologie, mais je comprends les gens qui choisissent de ne pas prendre de médocs. To each their own.

On pourrait continuer longtemps ainsi. J’aurais pu notamment vous lancer le classique « Chocolatine ou Pain au chocolat ». Cela dit, c’est en se pliant à ce genre d’exercice qu’on se rend compte que la zone grise prévaut généralement plutôt que les absolus…

Aurait-on pu proposer aux Schtroumpfs l’expression « limonadier » pour enterrer la hache de guerre? (Y a un décapsuleur en plus!)

Mais une chose est certaine cependant : tout le monde sait qu’on dit « Pain au chocolat ».