FrittataJe ne viens pas d’une grande famille. Les 11, 17 ou 24 enfants du côté maternel ou paternel, je ne connais pas. Ce qui ne m’empêche pas de profiter (parfois) des avantages d’appartenir à l’un de ces clans. Dans mon cas, ce sont les Turcot-du-Lac-Hénault. Pour faire ça court et simple : été comme hiver, la tribu Turcot accueille souvent sa famille (très) élargie dans l’un des nombreux chalets que possèdent ses membres sur les bords du Lac Hénault, dans la région de Lanaudière. Le beau-frère de Beau-frère étant un Turcot, Soeur fait donc partie de la famille élargie desdits Turcot-du-Lac-Hénault. Et quand l’occasion se présente, je profite aussi de cet accueil « familial ». Cette année, c’était au chalet du frère du chum de la fille aînée de la belle-soeur de ma soeur, la soeur de mon beau-frère; oui oui, la femme du beau-frère de ma soeur et de mon beau-frère, c’est ça. Le frère du mari en question n’est pas un Turcot, mais le mari — son frère — est « accoté » avec une Turcot. La nièce de ma soeur. Et de mon beau-frère. Anyways. Vous me suivez, j’en suis sûre.

Bref, inutile de vous dire que les conditions gagnantes étaient réunies cette année : bibi en congé de maladie et cherchant à se reposer pour soigner son burn-out, nouveau chum qu’on veut présenter à la tribu élargie et Soeur et Beau-frère disposés à recevoir de la visite. À l’horaire? Trois jours de Sainte-Paix. Trois jours de farniente. Pas de réception cellulaire sauf au bout du quai on a clear and sunny day, et encore.

*Insérer petite musique bucolique ici*

Pas de réception cellulaire, sauf quand c’est la compagnie d’assurance qui t’appelle pour te dire que tes prestations d’invalidité seront coupées dans deux jours et jusqu’à nouvel ordre parce que l’employeur « met de la pression » — notamment — et que tu dois te démerder pour envoyer les notes cliniques de ton médecin aux assurances « à des fins d’évaluation du dossier ».

It was a clear and sunny day indeed! Fuck you mère Nature.

Farniente interrompu, donc. Bibi est alors entrée de plain-pied dans le paradoxe des congés d’invalidité courte durée. Là où être en congé pour troubles anxieux + devoir gérer son dossier, ses milliers de formulaires et procédures et les nombreux spot checks (jusqu’à quatre ou cinq appels par semaine) + s’inquiéter de ses finances = exiger autant de travail que le travail et souffrir encore plus d’anxiété qu’avant. On se doute de l’état dans lequel ça m’a plongée. Horaire revisité? Deux jours de Sainte-Paix et de farniente et une bonne (grosse) journée d’angoisse.

De cette angoisse sont nés quelques constats, toutefois.

1) J’ai la meilleure famille (re)constituée et le meilleur chum qui soient : merci pour le soutien groupe. (Kétainisme assumé, merci. Je vous rembourse les nombreuses boîtes de Kleenex, promis.)

2) Mon angoisse semble toujours se manifester de la même façon ou du moins emprunter les mêmes voies. Dès l’apparition du stress initial, les pensées parcourent les mêmes « chemins » qui mènent invariablement au même résultat. Cette forme de « réaction programmée » m’a rappelé en partie la recherche décrite dans The Brain That Changes Itself (Norman Doidge, MD). Un des chapitres traite en effet des chemins de pensée que l’on trace au fil des ans, par habitude, mais aussi par facilité. Doidge les compare aux sentiers qui se forment dans l’herbe parce que tous les passants décident d’emprunter le même raccourci pour traverser le parc. Outre ce concept intéressant, le livre traite de neuroplasticité, soit de la capacité du cerveau à se remodeler et à s’adapter. Et Dieu sait que j’ai besoin de jouer au Play-Doh avec ma tête parfois. (Je vous le recommande fortement, d’ailleurs. Le livre, pas la séance de pâte à modeler. Quoique…)

3) Je dois donc me déprogrammer et « apprendre à désapprendre » les (mauvais) chemins tracés au fil des ans. Plus facile à dire qu’à faire? Mon père atteint d’Alzheimer est un peu dans le même bateau, mais il doit apprendre à désapprendre toute une vie. Mon cheminement vise à faire cesser l’angoisse; le sien lui en crée nécessairement davantage.

It was a clear and sunny day indeed. À bien y penser, merci mère Nature. Tout ira bien finalement.

*  *  *

Ce billet et cette introspection sont une gracieuseté de la durée de préparation de la frittata sur la photo ci-dessus. Ce n’est pas parce qu’on souffre d’un trouble anxieux qu’on ne peut pas cuisiner. Surtout lorsqu’on est au Québec, dans un chalet et sur le bord d’un lac. Je vous refile la recette? Les résultats sont concluants, tant pour la tête que pour la panse. (À moins d’avis contraire, vous y allez au pifomètre.)

Beurre (pour le plat et pour faire revenir l’oignon et les lardons)
1 gros oignon rouge émincé
Lardons (l’équivalent de 4 ou 5 tranches épaisses de jambon; tu peux aussi les acheter déjà prêts et emballés, mais bon…)
8 oeufs
2 oignons verts tranchés (l’affaire longue et verte et blanche là)
Persil grossièrement haché
Ciboulette ciselée
Poivre (pas besoin de sel, la feta est suffisamment salée!)
3 pommes de terre rouges en quartiers, cuites et assaisonnées (paprika, poudre d’oignon, poudre d’ail, sel d’ail, sel et poivre, huile d’olive, 200 °C [400 °F] pendant 30 minutes. Tu retournes les quartiers après 15 minutes.)
Feta en cubes

TEMPÉRATURE DU FOUR : 190 °C (375 °F)

Préchauffer le four.
Beurrer légèrement un plat Pyrex rond.
Faire chauffer le beurre dans une grande poêle, à feu moyen.
Faire revenir l’oignon 7 ou 8 minutes, en remuant de temps à autre.
Ajouter les lardons et poursuivre la cuisson 5 minutes.
Dans un grand bol, battre les œufs. Ajouter les oignons verts, le persil et la ciboulette, puis poivrer.
Répartir les pommes de terre déjà cuites, l’oignon et les lardons dans le plat beurré. Verser les œufs sur le tout. Ajouter les cubes de feta. (Et quelques feuilles de persil pour décorer, si tu veux.)
Faire cuire au four 20 minutes ou jusqu’à ce que le centre soit cuit.