Ou ma réinterprétation du « Me, Myself and I »

Maudites vacances

BlancoiresJe n’aime pas les vacances.

Vous avez bien lu. Je n’aime pas les vacances comme on n’aime pas les thérapeutes qui arrivent à nous faire réaliser qu’on a quelques (plusieurs?) (de nombreux?) changements à faire dans sa vie. Damn you vacation.

J’en suis au cinquième jour. Cinq jours où j’ai pu – notamment – faire de la photo, constater (confirmer) que je n’étais pas particulièrement (du tout) heureuse au travail, jouer à la touriste dans ma propre ville (Montréal c’est toi ma ville), aller au cinoche en plein après-midi, fréquenter des lieux en bonne compagnie sans avoir à me soucier de (presque) quoi que ce soit. Une vraie torture, quoi! Il me reste neuf jours comme ça. Préparez les antidépressifs pour quand je devrai retourner travailler. 

Je blague, mais à peine. Et Grand-maman disait toujours que tout ce qui vient avant un « mais » ne compte pas.

Je blague, mais je passerais ma vie à photographier les gens et ce qui m’entoure. Ça me passionne. La dernière fois où j’ai ressenti ce besoin vital de faire quelque chose tout le temps, à toute heure, à tout moment, et de vouloir me perfectionner et m’exercer à ce point, c’était avant le cégep. J’avais jusqu’alors passé toute mon enfance et mon adolescence à dessiner (et à jouer aux Legos; j’y reviendrai; peut-être). À reproduire les photos de mode que je trouvais dans le Vogue ou le Harper’s Bazar. À donner vie sur papier à mes propres créations que j’espérais aussi belles et originales que celles des grands designers. Ne cherchez pas trop la fin de l’histoire. On m’a coupé l’inspiration abruptement en m’envoyant au camp de concentration en Sciences pures. J’aurais pu protester. Je ne l’ai pas fait. J’ai arrêté de dessiner au fil des années qui ont suivi. C’est ça qui est ça. J’ai bien repris le dessin il y a quelques années – avec assez de succès même –, mais (encore lui!) la passion n’était plus au rendez-vous.

(Aparté – Première leçon du recueil « Connaître l’auteure en 10 points » : si tu as une chance avec bibi et que tu l’as moffée/manquée/laissée passer, il n’y en aura pas de seconde. Chu d’même.)

La photo donc. Si je pouvais en faire une vie, je le ferais (and who says I won’t…). Et l’Univers étant la plupart du temps à l’écoute de mes souhaits et doléances, je suis tombée par hasard sur l’horaire du Cinéma du Parc en début de semaine où jouait justement le documentaire Finding Vivian Maier. Facelivre m’avait récemment informée que Cousin CFD était allé le voir avec sa tendre fraction lors de leur récent passage à NYC. Ç’avait piqué ma curiosité. Je me suis donc aussi laissée tenter.

Je te résume ça vite fait bien fait : gardienne d’enfants, secrète et réservée, Vivian Maier a laissé à sa mort quelque 100 000 photographies de rue remarquables qu’elle n’a jamais fait développer (sauf quelques exceptions) et dont personne ne connaissait l’existence. Talentueuse, mais aussi inquiétante, l’artiste méconnue a légué un patrimoine inestimable, mais a emporté dans sa tombe bon nombre d’énigmes. On ne comprend pas vraiment pourquoi elle a caché ses clichés du public, mais une chose est certaine, c’est une femme et une artiste complexe qui s’est dévoilée sous mes yeux. Et j’aime les personnages complexes. Et introvertis. Et créatifs. Et un peu torturés. J’me sens moins seule avec les libellules dans ma tête dans ce temps-là. Bref, c’est un must et une des mes découvertes de l’année. Et ça me pousse encore plus à faire de la photo.

Parlant de libellules, j’ai aussi profité de ces derniers jours pour essayer de les sortir de ma tête ou au moins de les poser sur d’autres nénuphars. Les récentes semaines ayant apporté leur lot de déceptions (rencontres masculines sans avenir, remises en question, situation familiale difficile), j’ai décidé de changer de perspective et d’arpenter la Ville en touriste (accompagnée de mon œil globuleux, évidemment) : la majestueuse Marie-Reine-du-Monde avec ses plafonds de bois aux couleurs quasi pastel, le Vieux-Port et le bord du fleuve où j’ai pu me prélasser près des écluses et accueillir le Griffon, navire de la Garde Côtière (et ses marins; en uniformes; ouais), la toute aussi majestueuse basilique Notre-Dame, le Vieux-Montréal où j’en ai profité pour aller saluer mes anciens collègues d’un Journal-à-potins-de-l’Empire-que-je-ne-nommerai-point, le Musée d’art contemporain et son expo sur l’abstraction, et de là, les 21 balançoires musicales dans le Quartier des spectacles.

Et là, le miracle se produisit.

Me balancer m’a rappelé l’enfance, mes premiers plaisirs sensuels et les escapades au parc Joyce avec mon père. Le soleil qui plombait sur le pavé parfumait les alentours de cette odeur typiquement montréalaise lors des grandes chaleurs. Le bruit de la construction non loin de là était annonciateur de l’été en ville. Je me suis laissée porter par la mélodie produite par toutes ces balançoires. La vie a soudainement semblé au ralenti.

Puis j’ai fermé les yeux.

Et j’ai levé la tête vers le soleil.

Et pour une fois, je n’ai pas pris de photo.

Maudites vacances je vous dis.

4 Commentaires

    • Charlotte de Celles

      Merci (the sequel)

    • Charlotte de Celles

      Merci 🙂

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